L'arbre de la Liberté
Article de M Bernard Bonithon
REF: AD 24 cote 24 L 48
L'AFFAIRE
Une affaire importante va animer la commune de Teyjat durant l'an V : l'arrachage et la coupe de l'Arbre de la Liberté. Evidement nous y retrouverons des protagonistes que nous connaissons déjà.
L'affaire débute le 7 nivôse an V :
27 décembre 1796
« L'an cinq de la république française une et indivisible et le sept du mois de nivôse, environ les trois heures de l'après midi, nous, agent et adjoint municipaux de la commune de Teyjat, canton de Javerlhac département de la Dordogne, étant instruits par voix indirecte que le sept du présent mois l'arbre de la Liberté qui avait été planté sur la place du chef-lieu avait été partie arraché et coupé et qu'il avait été transporté dans la cour ci-devant presbytérale, nous nous sommes transportés audit chef-lieu de la commune de Teyjat, où étant nous avons trouvé que par effet ledit arbre a été partie arraché et coupé de la hauteur de deux pieds qui est restée dans la place de sa première position ; de là avons passé dans la cour du ci-devant presbytère où nous avons trouvé le restant dudit arbre qui peut être de la longueur d'environ quinze pieds, nous avons dûment observé que ledit arbre a été coupé par le haut ; avons interpellé le citoyen Etienne Ribadeau Dumaine, ministre du culte catholique de la présente commune, qui est fermier dudit presbytère de nous dire par quelle voie ledit arbre se trouve dans ladite cour, il nous a répondu ne savoir par quel moyen il a été porté dans ladite cour, qu'à cette époque il était absent de la maison ; à quoi nous lui avons répliqué qu'il n'était pas possible qu'il n'eut bien quelque connaissance d'un fait aussi notoire, attendu qu'il fallait qu'il (passe ?) plus de quatre personnes pour faire cet enlèvement pour l'introduire dans cette cour et que même un jour de fête il ne s'absente point de la maison attendu surtout que cette action qui était faite au mépris de la loi s'est passée avant la messe, à quoi il nous a encore répondu qu'il n'avait aucune connaissance et, attendu que ledit citoyen Etienne Ribadeau, comme dit est ministre du culte catholique, persiste dans ses réponses et qu'il n'est pas en notre pouvoir de découvrir les auteurs ni fauteurs de l'enlèvement dudit arbre, nous avons fait et dressé notre présent procès verbal pour être remis au citoyen Commissaire du pouvoir exécutif près l'administration municipale dudit canton de Javerlhac pour y statuer ce qu'il verra bon être fait à Teyjat. Ce même jour et an que dit est de l'autre part et avons signé .
Masfrand agent municipal de la commune de Teyjat
Dapien adjoint . »
L'affaire est menée tambour battant et débute par l'assignation des témoins:
31 décembre 1796 assignation à comparaître au tribunal de Nontron est donnée à « Jean Bounithon, cultivateur, Antoine Gautier des Planes, Martial Nadaud fils, ci-devant sacristain, Thomas Philiou, journalier, Jean Besse, métayer et Jean Bounithon, maréchal, tous demeurant au chef-lieu de la commune de Teyjat ... témoins indiqués par l'agent et adjoint municipaux de la commune de Teyjat, et tous autres qu'il appartiendra et qui pourront être indiqués par la suite, à comparaître en personne par devant nous le quatorze du présent mois, heure de neuf heure du matin, pour faire tous déclaration sur les faits et circonstances contenus au procès verbal fait et dressé par l'agent et l'adjoint municipaux de la commune dudit Teyjat le sept du courant. Fait à Nontron le onze du mois de nivôse cinquième année républicaine.
Duchassaing ».
L'assignation est communiquée aux témoins dès le lendemain 12 nivôse, en guise d'étrennes sans doute, et le quatorze nivôse an V (3 janvier 1797) les auditions commencent, elles se poursuivront jusqu'au 29 nivôse.
Audience du 14 Nivôse (3 Janvier 1797)
« Aujourd'hui quatorze nivôse an cinquième de la République française ... Dudit jour est comparu Jean Bounithon dit Jeannot père, âgé d'environ soixante quatre ans, demeurant au chef-lieu de la commune de Teyjat. A déclaré qu'il est certain que le quatre du courant sur les six heures du soir, veille de la ci-devant Noël, l'arbre de la Liberté qui été planté sur la place publique de la commune de Teyjat était sur pied ; que le lendemain matin, jour de Noël, et sur les neuf heures du matin, il était presque abattu par terre, étant encore entier, mais qu'il n'a pas vu par qui il avait été arraché, qu'il a ouï dire que le métayer de Joubert qui demeure à Boisseuil, commune de Teyjat, tenait une lampe pendant qu'on arrachait ledit arbre et que le petit fils de Laurençon, du même lieu de Boisseuil, et le nommé Labi, fils de Catherine Vignaud, du lieu de Chez Boine, même commune de Teyjat, étaient présents à l'arrachement dudit arbre. C'est tout ce qu'il a déclaré savoir. Et n'a signé pour ne savoir ce faire interpellé, ayant requis sa taxe, lui avons taxé trente sols valeur métallique.
Dudit jour est comparu Antoine Gauthier, marchand âgé d'environ trente huit ans, demeurant au chef-lieu de la commune de Teyjat, a déclaré avoir vu la veille de la ci-devant Noël l'arbre de la Liberté encore sur pied ... et que le lendemain, sur les huit heures du matin il le vit presque abattu mais ne savoir ni n'avoir ouï dire par qui il l'avait été ... ayant requis sa taxe, l'avons taxé trente sols valeur métallique.
Dudit jour est comparu Martial Nadaud, cultivateur, âgé d'environ cinquante deux ans, demeurant à Chez Galier commune de Teyjat. A déclaré qu'étant sacristain du ministre du culte de la commune de Teyjat, il se rendit sur les onze heures du soir de la nuit du quatre au cinq du présent mois chez le ministre pour savoir s'il voulait dire la messe, qu'en passant il vit environ une douzaine de personnes qui entouraient l'arbre de la Liberté ... il aperçut ledit arbre presque renversé mais que l'obscurité ne lui permis de distinguer personne, que le lendemain matin, jour de la ci-devant Noël, passant sur la même place vers les onze heures, il aperçut ledit arbre tout à fait renversé, mais ne savait ni n'avait ouï dire par qui il l'avait été, que le troisième jour de ci-devant fête de Noël, il avait ouï dire que le dit arbre fut porté dans la basse cour du ministre du culte, mais ne sait par qui ... nous lui avons taxé trente sols valeur métallique."
Il signe sa déposition « Nadaud ».
"Dudit jour est comparu Thomas Filhoud, laboureur, âgé d'environ cinquante six ans, demeurant au chef-lieu de la commune de Teyjat. A déclaré que, dans la nuit du quatre au cinq du courant, un enfant qui lui est inconnu fut lui demander sur les dix heures une hache qu'il disait qu'on voulait employer à couper l'arbre de la Liberté ... laquelle le déclarant refusa vouloir prêter, que le lendemain matin, cinq du courant, étant sorti sur les huit heures du matin pour se rendre à la messe, il aperçut ledit arbre presque renversé par terre et n'avoir vu ni ouï dire par qui il l'avait été ... lui avons taxé trente sols valeur métallique.
Dudit jour est comparu Jean Besse, laboureur, âgé d'environ trente huit ans, demeurant à Teyjat.
A déclaré que le cinq du courant, jour de ci-devant Noël, il a vu l'arbre de la Liberté planté sur la place du chef-lieu de la commune de Teyjat, sur les cinq heures du matin, qui était couché par terre, sans être pourtant entièrement arraché, mais ne savoir ni avoir ouï dire par qui ledit arbre avait été arraché, ajoute avoir ouï dire par un enfant, dont il ne sait pas le nom de baptême, qu'on appelle Pierre Cri, fils de feu Pierre Virage, habitant au chef-lieu de la commune de Teyjat, que ledit arbre avait été porté la troisième fête de Noël dans la basse cour du ministre du culte ... lui avons taxé trente sols valeur métallique.
Dudit jour est comparu Jean Bounithon fils, maréchal demeurant à Chez Galier commune de Teyjat, âgé d'environ trente ans.
A déclaré qu'il aperçut, sur l'heure de midi du cinq du courant, l'arbre de la Liberté qui était planté sur la place de Teyjat presque renversé par terre, mais ne sait ni n'a vu qui pouvait l'avoir arraché ; ajoute néanmoins avoir ouï dire que le nommé Jean Fauconnet, métayer de Joubert tenait une lampe pendant qu'on arrachaient ledit arbre et que le nommé Jeannot Lapeyre demeurant au lieu du Forestier en qualité de bordier à François Prieuret avait aidé à arracher ledit arbre dans la nuit du quatre au cinq du présent mois, que la femme de lui déclarant lui a fait le rapport, pour le tenir de Marie Bounithon sœur de lui déclarant. C'est tout ce qu'il a déclaré savoir et a signé, ayant requis sa taxe, lui avons taxé trente sols métalliques."
Il signe « Jean Bonithon ».
A la suite de l'audition des premiers témoins une série de mandats d'amener est délivrée dès le quatorze nivôse par Pierre Duchassaing à l'encontre du « nommé Labi, fils à Catherine Peyraud, cultivateur demeurant au village de Boine commune de Teyjat, âgé d'environ vingt ans, taille de cinq pieds deux pouces, cheveux et sourcils châtains pour être entendu sur les infractions dont il est prévenu ... ». Le même jour un mandat est délivré contre « Etienne Ribadeau Dumaine, ministre du culte catholique demeurant au chef-lieu de la commune de Teyjat, âgé d'environ cinquante cinq ans, taille cinq pieds deux pouces, cheveux et sourcils châtains pour être entendu sur les infractions dont il est prévenu ... ».
Puis c'est au tour « du citoyen Reytier Lagrange, notaire public, demeurant au lieu de Boueyres commune de Teyjat, Marie Marcelly, épouse de Martial Bounithon et Marie Bounithon, fille de Jean Bounithon dit Jeannot, demeurante l'une et l'autre au chef-lieu de la commune de Teyjat, témoins qui ont été indiqués et tous autres qui pourront l'être de nouveau et par la suite à comparaître en personne par devant nous le seize du présent mois, heure de neuf heures du matin pour faire leur déclaration sur les faits et circonstances contenus au procès verbal fait et dressé par l'agent et l'adjoint municipaux de la commune de dudit Teyjat le sept du courant ... ».
Et nous continuons par « Jean Fauconnet, métayer de Pierre Nadaud, dit Joubert, demeurant au village de Boisseuil commune de Teyjat, âgé d'environ quarante ans, taille cinq pieds ou environ, cheveux et sourcils châtains pour être entendu sur les infractions dont il est prévenu ... Le petit fils du citoyen Laurençon, cultivateur du lieu de Boisseuil, commune de Teyjat, âgé d'environ quinze ans, taille quatre pieds six pouces, cheveux et sourcils châtain clair pour être entendu sur les infractions dont ledit petit fils est prévenu ... Le nommé Jean, dit Tejazat, bordier de François Prieuret, demeurant au village du Forestier commune de Teyjat, âgé de trente ans ou environ, taille cinq pieds deux pouces ou environ pour être entendu sur les infractions dont il est prévenu ... ». Ils comparaîtront le dix sept nivôse.