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4 mai 2013: Inauguration des travaux de restauration de l'église de Teyjat
En présence de M. Jacques Billant, préfet de la Dordogne, Pascal Bourdeau, conseiller général, Mme Colette Langlade, députée de la Dordogne, de nombreux maires et conseillers des communes environnantes, des officiers de gendarmerie et de M. le curé de Nontron, ont été inaugurés les travaux de restauration de l'église, abondamment décrits par ailleurs sur ce site.
Un vin d'honneur, puis un buffet à la salle des fêtes ont succédé aux discours de M Jean-Pierre Garraud, maire de Teyjat, Pascal Bourdeau, Colette Langlade et Jacques Billant.
Voici quelques photos de cette journée.
Au cours de son allocution, Jean-Pierre Garraud a retracé l'histoire de l'église St-Pierre-ès-liens et de son mobilier.
Nous reproduisons ci-dessous cet extrait:
 

L'église St Pierre-ès-liens de Teyjat, une modeste église rurale semblable à beaucoup d'autres ?
Le visiteur pressé peut, certes, être décontenancé par l'apparence standardisée et typiquement XIXe  du  clocher, mais il aurait tort de passer trop rapidement son chemin. Sa curiosité aurait d'abord due être éveillée par le décor du portail qui, bien qu'en partie érodé par le temps et caché par l'édification du clocher, garde un beau décor de volutes, taillé dans une pierre aux tons ocrés, et qu'on dit d'inspiration saintongeaise et datant du XIIe siècle.
Cela aurait dû l'inciter, ce visiteur pressé, à pousser la porte et à entrer dans l'édifice et là, nous avons la fierté de penser qu'il n'aurait pas été déçu !
 
Mais essayons de reprendre l'histoire depuis le début.
 
Les origines
 
L'absence quasi totale de documents antérieurs au XIXe siècle concernant notre église ne nous laisse que l'archéologie comme source d'information mais il faut reconnaître qu'il n'y a pas encore eu d'étude archéologique exhaustive et que les vieilles pierres ont sans doute encore beaucoup à nous apprendre.
Sur l'église primitive qui a probablement précédé l'édifice actuel et dont on perçoit les traces à la base du mur sud, nous ne savons rien, ce qui ne nous empêche pas de nous poser des questions et de formuler des hypothèses.
Une question d'abord vient à l'esprit : pourquoi une église à cet endroit ? Notre visiteur pressé répondrait sans doute que la question est stupide et que l'église est au centre du bourg comme toute église qui se respecte !
Mais c'est peut-être – et même probablement – l'église qui a précédé le bourg et non l'inverse . Imaginons le site au sortir des brumes de l'an mille : une vallée certes assez ouverte mais dont le fond est occupé par les terres humides et inondables du Marcorive, et le coteau sud rendu inaccessible par la falaise. De quoi décourager toute velléité d'y implanter un village ! La seule possibilité de construire sans risquer de perpétuelles inondations était de creuser dans la falaise. C'est ce qui a été fait pour la plupart des maisons du bourg et bien sûr pour l'église, mais à quel prix ! L'édifice qui repose pour partie sur du rocher et pour partie sur du sol meuble a de tous temps – et on ne saurait s'en étonner – nécessité de lourds travaux de réparations. (et nous en parlons en connaissance de cause!)
Ce n'est pas non plus la présence d'un important foyer de peuplement qui a pu motiver l'implantation de l'église : aussi loin qu'on puisse remonter dans les archives, la plupart des villages de Teyjat (Le Forestier, le Chatelard, Chauffour, Caillaud) étaient, fort logiquement, plus peuplés que son chef-lieu.
Alors, on ne peut s'empêcher de penser à la grotte de la mairie et ses magnifiques gravures, et à l'abri Mège que les hommes du magdalénien avaient trouvé à leur goût il y a plus de 13000 ans.
Ces grottes ornées étaient-elles des lieux de culte ? Nous n'en savons rien mais beaucoup de préhistoriens pensent que, pour le moins, ces dessins avaient des vertus magiques. Notre église s'inscrit peut-être dans la tradition plusieurs fois millénaires d'un lieu de culte d'abord préhistorique et finalement chrétien, en passant, pourquoi pas, par les gaulois. Il semblerait en effet que des églises sous le vocable de St Pierre ès liens aient souvent été édifiées sur d'anciens lieux de culte du dieu gaulois Lug (celui qui a donné son nom à Lugdunum, la ville de Lyon). Plusieurs coïncidences à l'appui de cette thèse : d'abord, St Pierre-es-liens se fête, comme Lug, le 1er août, ensuite, parmi les symboles de Lug, il y a la corde, le lien ou l'attache.
Mais bien sûr, l'élément fondamental qui peut relier entre elles ces civilisations et perpétuer la tradition d'un lieu de culte, c'est la présence de l'eau. L'eau, élément vital et purificateur, et plus encore les sources et les fontaines, ont de tous temps été vénérées par les hommes et nous avons ici une source abondante et pure (du moins elle l'était à l'époque) alimentée par des ruissellements souterrains. La tradition chrétienne, avec le baptême, a repris cette symbolique de l'eau purificatrice. La campagne de travaux qui s'achève a d'ailleurs révélé la présence d'un puits dans l'angle nord-ouest de l'église.
Sommes nous donc sur un haut lieu de spiritualité au confluent de mystérieux courants telluriques qui auraient inspiré les hommes à travers tous ces millénaires ? Nous n'avons évidemment aucune preuve à l'appui de ces aimables conjectures, mais une théorie, pour être juste, doit d'abord être belle et celle-ci, nous la trouvons belle, alors, pourquoi pas ?
 
L'architecture
 
Mais venons-en à des éléments plus concrets. Que nous apprennent l'architecture et l'archéologie ?
Ce qui étonne en premier lieu, c'est l'organisation architecturale originale de l'édifice, en raison de la double nef sans transept.
L'enlèvement du crépi XIXe et de son faux appareillage permet maintenant une lecture plus facile des éléments architecturaux qui se répartissent sur une longue période de temps. Les croisées d'ogives en particulier sont bien remises en valeur.
Les éléments les plus anciens (portail et sud de la nef) semblent du XIIe siècle. Le reste de la nef serait du XIIIe siècle, mais avec de nombreux remaniements. Les quatre travées nord en particulier, seraient des XVIe et XVIIe siècles. Cela fait beaucoup de conditionnels, mais, comme  nous le précisions au début, l'édifice n'a jamais été systématiquement expertisé.
D'importants travaux sont entrepris au XIXe : en 1861, la commune s'endette de la somme énorme de 4000F pour de grosses réparations à l'église et au presbytère. Les travaux sont terminés en 1862, mais ils sont suivis de litiges pour non-conformités au cahier des charges. Ces travaux ont consisté en reprises de maçonnerie en particulier sous les contreforts, de toiture, de crépis, d'enduit des voûtes et des murs  (il s'agit bien de reprises, l'enduit était donc déjà présent) ; deux croisées ont été rouvertes et garnies de vitraux, le sol a été bétonné, une partie de la menuiserie et la serrurerie  ont été remplacées.
 
Sur l'édification du clocher au début XXe, les documents d'archive, cette fois, sont abondants. Nous savons que le clocher primitif était un clocher-mur de forme triangulaire, percé de deux niches pour les cloches et surmonté d'une croix de pierre. Le tracé de l'architecte du clocher (M. Charles), en donne le profil et un petit dessin de l'abbé Brugière, de la fin du XIXe, nous en donne l'aspect général. Sa hauteur était d'environ 17m (contre 24,26 m pour le clocher actuel).
Dès 1870, le clocher-mur donne des signes de faiblesse et l'on débat pour déterminer s'il serait plus coûteux de consolider le clocher existant ou de lui adosser un beffroi. En 1873, la question semble tranchée : le conseil approuve un plan et un devis (devis de 670 F apparemment largement sous-évalué) pour l'édification d'un beffroi, mais en cette période, la commune a fort à faire avec les travaux des écoles et faute de financement, on se contentera de menues réparations pendant encore une trentaine d'années.
Entre temps, l'état du clocher ne s'est pas arrangé et le curé Mounier revient à la charge en 1894 avec à l'appui, une liste de souscripteurs.
Le conseil temporise, mais pendant ce temps, le devis passe de 6000F à 9500F et  l'état du clocher s'aggrave encore ; en 1900, le maire en vient à interdire de sonner la grosse cloche par mesure de sécurité. Il réactive en urgence le projet de clocher qui sera finalement financé, grosso modo, pour un tiers par la souscription, un tiers par un emprunt communal et un tiers par une subvention. Les travaux adjugés en 1902 à l'entreprise Aupy de Piégut, font l'objet d'une réception définitive le 15 juin 1905.
 
Le mobilier
 
Mais il nous faut évoquer aussi le mobilier de l'église, qui ne manque pas d'intérêt.
Par un souci de dépouillement tout à fait respectable, la réforme liturgique de Vatican II a souvent eu pour conséquence malheureuse la disparition de nombreux mobiliers et ornements mais comme la paroisse n'a plus de desservant depuis 1945, notre église a échappé à ces directives et elle a conservé sa chaire, ses autels, sa statuaire et ses ornements XIXe.
 
La chaire et le dais à capucine figurent en bonne place dans le très bel ouvrage de Pierre Pommarède « richesses insoupçonnées » sur le patrimoine des églises locales. Leur style est assez exceptionnel et probablement unique dans la région.
Les comptes de la fabrique (la fabrique était l'institution qui gérait les biens matériels de la paroisse) nous laissent des inventaires fort utiles et mentionnent les acquisitions du mobilier liturgique et de la statuaire que nous pouvons voir aujourd'hui. Nous les avons découverts lors d'une visite aux archives diocésaines en août dernier (remerciements à M l'abbé Bouet).
C'est ainsi qu'on apprend que la remarquable balustrade de fer forgé fut exécutée par M. Boussarie, de Javerlhac, en 1841, sur une commande du curé Vedey. Pour l'anecdote, il fut convenu que M. Boussarie serait payé quand la commune « aurait de l’argent disponible » et qu’en attendant, on lui fournirait l’intérêt mais le pauvre Boussarie ne recevra son paiement final après de nombreuses plaintes qu’en 1857, soit 16 ans plus tard !
La statuaire St Sulpicienne a été acquise à la fin du XIXe, le plus souvent par souscriptions, ainsi que le chemin de croix qui date de 1877 et qui en a remplacé un autre en bois, plus ancien. Chaque statue coûtait à l'époque entre 100 et 120 F.
Le maître autel en marbre blanc est acheté par la commune en 1868 pour la somme de 1000F.
L'autel de la vierge, en marbre également, est un don de Mlle de Bénac en 1888.
Le grand tableau représentant une religieuse est une ?uvre de Justine Pabot-Chatelard qui en fit don à l'église en 1897. Justine Pabot-Chatelard fut l'élève de Jules Lefebvre, peintre académique bien connu exposé à Orsay, et l'épouse d'Alpinien Juste Pabot-Chatelard qui était alors préfet de Foix et qui sera ensuite maire de Teyjat.
Le grand christ en bois n'est mentionné que dans l'inventaire de 1881 et étonnamment, la statue de St Roch (statue en bois polychrome qui daterait du XVIIIe selon Jean Secret) ne figure nulle part dans le registre. A ce propos, nous pouvons dire quelques mots sur le culte de St Roch, le saint guérisseur de la peste, culte qui se répand en occident au début du XVe siècle, mais plus tard dans le Limousin, à cause semble-t-il de la concurrence de St Sébastien à qui on attribuait les mêmes pouvoirs contre la peste. A Teyjat, il bénéficie d'un traitement de faveur puis qu'il a son autel particulier (si l'on peut dire!). Nous savons peu de choses sur la vie de ce saint qui est né à Montpellier à la fin du XIIIe siècle ou au début du XIVe. Sur sa vie légendaire, on raconte que soignant les pestiférés en Italie et atteint lui-même de la maladie, il se réfugie dans une forêt où un chien lui apporte chaque jour à manger, permettant sa guérison. C’est pourquoi on le représente comme ici, accompagné du chien charitable, montrant, sur sa cuisse droite, les stigmates de la maladie. Par la suite, la peste ayant progressivement disparu de nos régions, on lui attribua d'autres pouvoirs et on se mit à l'invoquer pour les maladies du bétail.
 
Le plus grand des lustres en cristal est un don des membres du conseil de fabrique en 1897, le plus petit est un don d'Adrien Donzeau en 1898.
 
La grosse cloche, d'un poids de 600 kg, a également été financée par souscription et fondue en 1886. Ses parrains furent Georges Pabot du Chatelard et Mathieu Fauconnet. Il est précisé dans le registre que ceux qui n'avaient pas participé à la souscription devaient payer pour la faire sonner !
A mentionner aussi la petite cloche qui daterait selon l'abbé Lecler, de 1558 et porterait l'inscription Ave Maria (ou Sancta Maria) M Vc LVIII, inscription très difficile à déchiffrer aujourd'hui. Cela en fait quand-même l'une des plus anciennes de l'arrondissement ; elle n'est battue de peu que par celle de St Barthélémy qui date de 1549.
 
Les vitraux
 
Deux vitraux du XIXe ont été restaurés :
- Celui du maître autel représente St Pierre emprisonné à Jérusalem par Hérode et miraculeusement délivré par un ange.
- Celui de l'autel de la vierge représente la vierge Marie, dans la pure tradition du XIXe siècle.
 
Les fresques
 
Commençons par les plus anciennes: derrière le maître autel, il s'agit d'une scène de crucifixion, avec, à gauche, la Vierge Marie, et à droite, un autre personnage impossible à identifier, qui serait vraisemblablement St Jean si l'on se réfère à la plupart des représentations similaires. Elle n'a pas été expertisée mais son style évoque nettement la fin de la période médiévale (XVe ?).
Tout autour de la nef court la litre funéraire avec les blasons de la famille Hélie de Colonges. Les Hélie de Colonges furent seigneurs de Teyjat jusqu'en 1632 et leur blason qui se lit « d'azur à trois tours d'argent maçonnées de sable » représente les 3 castrums de Lastours, Pompadour et Hautefort. Ce blason  figure aussi sur les églises du Bourdeix, St Estèphe, Pluviers et Bussière-Badil. Les Hélie de Colonges et les Pompadours ont d'ailleurs une origine commune et portent les mêmes armoiries.
Au dessus de la porte latérale le panneau avec ses deux lions et son blason est très semblable à celui de l'église de St Barthélémy de Bussière.
Les deux remarquables ensembles qui décorent les chevets des nefs nord et sud sont datés sans ambiguïté de 1710 (fin du règne de Louis XIV).
Chevet nord :
En haut, la couronne royale et deux anges sur fond de ciel étoilé, qui portent les attributs de la royauté : sceptre et main de justice ; en dessous, deux cornes d'abondance.
A gauche, la vierge Marie, inspirée par le Saint-Esprit, avec en arrière-plan le mont Golgotha et un village qui évoque davantage nos maisons périgourdines que la Palestine.
A droite, nous avons une scène d'extrême onction; un prêtre donne les derniers sacrements à un mourant que l'ange s'apprête à accueillir au paradis. La personnalité du mourant demeure énigmatique: aucun personnage important au niveau national ou au niveau local n'est décédé en 1710 ou dans les années qui précèdent immédiatement.
Chevet sud :
A gauche, un cardinal avec son manteau pourpre entouré d'hermine  éveille également notre curiosité:
- La couleur noire de la coiffe carrée n'est pas banale, le pourpre était de mise.
- La bordure du manteau et la cape d'hermine. Est-ce une référence au duché de Bretagne? Certes, les vicomtes de Limoges dont dépendait la châtellenie de Nontron firent longtemps partie de la maison de Bretagne, mais on n'y trouve pas de cardinaux avant le prince de Rohan, qui ne devint cardinal qu'en 1712.
A droite, le personnage représenté n'est plus reconnaissable. Il faut remarquer aussi dans cette partie la superposition des couches picturales : Les fresques de 1710 en ont recouvert d'autres plus anciennes comme en témoigne le petit cartouche qui porte en caractères gothiques « l'an de grâce... ? » Nous aimerions bien connaître la suite ! Hélas, la couche picturale est irrémédiablement détériorée par l'humidité.
 
Nous le voyons bien, toutes ces découvertes récentes font progresser notre connaissance, mais le nombre d'énigmes qui subsistent nous oblige à rester modestes : il y a encore du travail pour les experts dans toutes sortes de disciplines et sans doute en restera-t-il pour les générations futures !
Voir les vidéos de cette manifestation sur le site de Jacques Hesault